BLUE MURDER Nothin’ But Trouble – chronique

Quatre ans après l’incompréhensible échec commercial du pourtant sublime premier album éponyme (BM), le talentueux guitariste-chanteur remet le couvert, mais en faisant quelques ajustements.

En effet, si l’album précédent était la suite logique mais en plus prog de l’album multiplatine et heavy mélodique ”1987” de WHITESNAKE, John SYKES, va ici inclure ses influences acquises aussi chez THIN LIZZY, pour presque la moitié de l’album.
Ces deux groupes ont souvent eu des points en communs, notamment avec le jeu des guitares “jumelles”. C’était surtout vrai avec le WS bluesy de la période 78-83. On pense par exemple à ce rock swing qu’est This Time Is Right For Love, qui n’est pas sans rappeler le swing d’un Dancing In The Moonlight en plus rapide. Et puis quand ces deux groupes ont fait appel au fougueux guitariste qui rendra plus heavy leur son, on ne peut s’empêcher de constater le virage plus hard pris par ces deux formations légendaires sur leur album respectif, Slide It In et Thunder&Lightning.

Mais ici, on retrouve peu les points communs qui rapprochaient ces deux groupes ; John SYKES, peu fervent de blues, maintiendra donc l’esprit 1987 du SERPENT BLANC voire plus directe de celle de Slide It In, plutôt que celui de sa période bluesy.
Aussi, on a l’impression d’avoir un album scindé en deux.

A ma gauche, les titres esprit David COVERDALE’87 :

3 – Cry for Love (power ballade épique sur laquelle la voix se fait rauque ; un exercice sur lequel le sex symbol excelle, que ce soit dans l’interprétation que dans la qualité d’écriture qui feront sa marque de fabrique unique ; seul bémol sera son emplacement après deux titres rock’n’roll aux styles différents)
8. Love Child (bati sur la même structure funky du titre du même nom du DEEP PURPLE de COVERDALE et petit frère de Sex Child, cet enfant-ci est survitaminé par le côté ”prog” au sens inventif de SYKES : un groove et des gimmicks irrésistibles : le swing des cymbales et du charley, des ”hoho” façon Sympathy For The Devil des RS et des claviers aux sonorités approchantes des cuivres, …)
9. Shouldn’t Have Let You Go (un bon riff, un bon pont, un bon refrain … un bon titre qui aurait pu figurer sur le très bon Slide It In)
10. I Need an Angel (Superbe power ballade tout en feeling se laissant porter par cette voix exceptionnelle et un final progressif prenant, tout en délicatesse)
11 – She Knows (ballade intimiste acoustique où quand LED ZEPPELIN joue une valse, bercée par la basse de Tony FRANKLIN)
12. Bye Bye (bonus japonais : ¥¢§^√~#< … Koi? Tu comprends pas le japonais ? C’est ballot ! Traduction donc : “je ne l’ai pas (écouté)” 😁)

A ma droite, les titres esprit Phil LYNOTT :
1 – We All Fall Down (sorte de Military Man du duo MOORE-LYNOT ou Take Me With You de WS ; c’est direct, ça envoie et est tout aussi convaincant)
4. Runaway (seconde ballade, rock, qui alterne tempo lent et mid tempo ; malgré le lyrisme de la guitare qui rappelle Is This Love, le débit vocal conviendrait très bien au grand Phil ; mais SYKES a sa propre personnalité et une créativité que l’on retrouve dans des choeurs en contre-points du refrain et un solo qui suit l’esprit de la rythmique : un coup schred, un coup lyrique ; une diversité qui apporte encore ici un esprit prog)
7. Save My Love (troisième ballade qui dévoile toute la sublime voix du guitar-hero, tout en suavité ; un suavité qui rappelle celle du chanteur de THIN LIZZY même si la encore la guitare “serpente”)

Vous rajoutez quelques titres qui dénotent dans l’ensemble malgré une qualité indéniable, et un ordre de titres peu limpide, cela donne un ensemble décousu, maid de très grande qualité. On a l’impression que deux producteurs se sont partagés l’oeuvre ; un sentiment exagéré tant cela ne se joue au final que sur deux-trois titres :
Itchikoo Park, reprise des SMALL FACES, titre semi-acoustique tel un Jerry Roll, placée trop tôt en seconde position ;
un I Am On Fire, explosif et excellemment interprèté par Kelly KEELING, intervenant chez BATON ROUGE, NORUM, MSG, … sa voix est une sorte d’hybride entre Sammy HAGAR et Graham BONNET ; autant dire que ca brûle ;
ou encore
Dance dont le funk rock, ici récréatif, aurait pu séduire EXTRÊME.

Porte mieux tes lunettes, c’est vers cette direction que je veux aller, Marco” semble dire le leader qui l’amènera quelques années plus tard pour une reformation de THIN LIZZY

Rien Sauf Le Trouble” porte au final bien son nom ; tout comme sa pochette représente bien ce garnement de SYKES prêt à toutes les (bonnes) bêtises … musicales. Compositeur principal, sa créativité est une de ses qualités de plus.

En somme, c’est comme si on assistait à un match de boxe entre deux combattants aux styles opposés ; par exemple, le jeu élégant d’évitement d’un Mohamed ALI contre le jeu plus direct, percutant d’un Mike TYSON. Si pour un match de boxe, ce serait le combat idéal, pour un album de musique, cela manque d’homogénéité.
Reste que tout le monde voudrait voir un tel match ! A vous de voir si vous voulez entendre un tel album ? … Sorti en pleine effervescence du Grunge, il n’aura connu qu’une récompense commerciale au Japon. Mais commercial ne rime pas avec qualité. Aussi le talent des musiciens, la qualité indéniable des chansons et la possibilité de changer l’ordre des titres à votre convenance, devrait vous convaincre de parier sur ce vainqueur !

Epilogue :
Après deux albums, une décennie de Grunge et de Metal indus, l’aventure BLUE MURDER s’arrêtera là. Néanmoins, John SYKES continuera à produire des albums sous son nom.
Qu’importe le succès commercial du moment que l’on puisse écouter son oeuvre. Car il est clair que vu son talent – que dis-je ? – vu SES talents, BLUE MURDER aurait cartonné si il s’était produit aux débuts des années 80. Mais comme dirait un sage, il fallait peut-être qu’il passe par ses rencontres avec LYNOTT et COVERDALE pour peaufiner sa créativité et son son. D’ailleurs c’est l’ingé-son pour “1987” qui lui a fait découvrir un appareil qui colorera le son de sa guitare. ”Peu importe le sommet, c’est le chemin pour y accéder qui compte !”

Titres

Auteur compositeur John Sykes, excepté “Itchycoo Park” : Ronnie Lane & Steve Marriott.

1. We All Fall Down (single)
2. Itchycoo Park (Small Faces reprise)
3. Cry for Love
4. Runaway
5. Dance
6. I’m on Fire
7. Save My Love
8. Love Child
9. Shouldn’t Have Let You Go
10. I Need an Angel
11. She Knows
Bonus Japon
12. Bye Bye

Membres

John Sykes – guitars, vocals

Tommy O’Steen – drums, backing vocals

Marco Mendoza – bass

Kelly Keeling – backing vocals, lead vocals (on “I’m on Fire”)

Nik Green – keyboards

Musiciens additionnels

Carmine Appice – drums

Tony Franklin – bass

Technique

John Sykes – production, engineering

Mike Fraser – mixing

Nik Green – engineering

Alex Woltman – engineering

George Marino – mastering

Management John Kalodner – A&R

Label Geffen

Production John Sykes

Studio John Sykes’ Home Studio

Sortie 31 Août 1993