Murray HEAD Sanary-sur-Mer 27/11/2021

(Pour ceux qui n’aiment pas les introductions longues et un peu personnelles sur le contexte, commencez après le flyer – Pour écouter les chansons citées, cliquer sur les noms des titres)

Partir chercher dans le sud la chaleur en ce mois de novembre aura été une vraie fausse bonne idée. Ce sera un temps d’anglais qui m’accueillera avec une mini-tempête à passer son temps devant cheminée, châtaignes et un dvd d’un concert de … Murray HEAD, of course. Heureusement, les dieux de l’art ramèneront le soleil le lendemain pour accueillir l’anglais et ses nombreux fans qui rempliront, à une centaine de fauteuils près, la jauge de mille places de ce magnifique Théâtre Galli dont l’intéressante conception est à lire sur son site web.

Sanary-Sur-Mer est un magnifique coin de bord de Méditerranée. On y croise des centaines de superbes bateaux de pêche de plaisance, de belles voitures, de belles femmes, … autour d’un beau centre ville … Mais comme l’être humain est imparfait, on se heurte aussi, envers de ce beau décor, à une urbanisation dense, rendant les rues étroites et aux angles droits à faire fuir tout livreur, ainsi que des rues intérieures (menant à des campings) dans un tel état que les roues motrices sont quasi obligatoires ; un linge de fortune est même attaché à une ligne électrique qui s’est affaissée en travers de la voie pour vous prévenir que si vous passez dessous, cela peut être électrifiant. Cela peut être un bon concept pour un concert d’AC/DC, un peu moins pour un concert de folk rock. Et puis quelques aménagement d’aires de repos (esthétiques et agréables qui respectent la beauté des paysages, pas que du béton en somme), sur les routes de la région ne seraient pas du luxe, surtout quand on voit la vaste place qu’il y a, alors que des routes sont limites franchissables à deux véhicules, avec en prime des bas-côtés inexistants qui t’envoient direct dans un champ en cas d’écart ; Honnêtement, ça fait un peu mesquin – ceux qui empruntent la route de Valbrillant par exemple, comprendront ; Devoir s’arrêter de peur de ”frotter” sur une route censée te faire rouler à 70km/h, laisse songeur pour une région aussi touristique ; bref, encore un petit effort et ce sera parfait.

Ce contraste amènerait un gilet jaune nous dire que ça sent la défiscalisation à plein nez ici ! Vous me direz que le sujet n’est pas à la politique plus ou moins démagogique – Nicolas HULOT serait d’accord avec ça (lol) – Mais ce serait ne pas savoir que notre hôte du soir est davantage politisé dans ses chansons qu’on ne le croit, comme il aimera nous le rappeler avec un humour ”so british” qui sera grandement apprécié par le public. (Countryman, Who Do You Think You Are, Corporations Corridors, ou encore sa célèbre ballade,…)

 

Pour ce premier concert depuis deux ans, tant pour les musiciens que pour votre dévoué, Murray HEAD and Co nous inviteront à un show de plus de 2h30, entrecoupé d’une pause et d’un rappel. C’est d’ailleurs le premier showman que je vois se rajouter une veste après chaque entre-acte : débutant en chemise, puis en blaser, il finira avec un manteau, sacré bonhomme ! Un gimmick pour nous faire remonter le temps jusqu’en 1975?

L’homme est en forme. S’amusant tour à tour autour de la scène ou dans la salle, rejoignant le public pour le hit One Night In Bangkok, il reste encore élégant à 75 ans. A son âge, on peut saluer la performance. Un vrai showman qui s’amuse avec le public, ses musiciens ou parfois de lui-même. L’auto-dérision est un art que peu de gens savent pratiquer, égocentrisme oblige, hélas.

… Une performance qui sera vocale aussi. Démarrer un show quasi a capella façon gospel, par le touchant Boy On The Bridge, n’est pas donné à tout le monde. Saluons l’audace. Cette voix si cristalline, si expressive, si soul, flirte parfois avec la limite de la justesse comme pour atteindre cette fragilité si intense. Il module comme peu de chanteurs osent le faire, et ce avec ce petit voile de souffle exquis dans la voix. Tout cela maintient un charme et un suspense envoutant. Charme? L’homme a du vécu et sait jouer à l’amant désavoué pour séduire ces dames venues nombreuses ce soir, que ce soit avec son sourire ou par ses péripéties et autres questionnements philosophiques qu’il nous narre avec humour dans un français parfait .

Et même si parfois l’artiste se plante sur le démarrage d’un couplet ou sur la liste des rappels, «rouillé par ces deux ans» comme il l’admettra, ou si il se gaussera, dépité et hilare de découvrir une salle horriblement envahie de visages masqués, jusqu’à risquer de tomber dans l’escalier, tout cela apportera une touche de décontraction supplémentaire. Il sera donc difficile de ne pas se laisser embarquer par son jeu aux multiples facettes, d’autant que la qualité des chansons sont là pour donner le coup de grâce.

Interprétées par des musiciens hors pair, multi-instrumentistes, dont la mélodie swinguante reste l’objectif premier, ils nous offriront des solos faisant taper des pieds et donnant l’envie de se lever de ce fauteuil bien gênant. Que ce soit la claviériste-bassiste, l’envoutée Jennifer MAIDMAN, slappant à nous tordre dans ces fauteuils, ou un duo de violons à la complicité communicative entre l’expérimenté Geoffrey RICHARDSON et le jeune Harry FAUSING SMITH, le réputé Phil PALMER, au jeu très fin sur sa Fender, le classique mais pas moins dénué de feeling solo de batterie de Ally McDOUGAL ou encore, un solo de saxophone déchirant le théâtre du doué Harry FAUSING SMITH, si les jambes ne le pourront, les poils se lèveront tour à tour.

Et si la voix de Murray HEAD se suffit à elle seule, son sens du partage invitera tout du long des choeurs du meilleur effet à l’accompagner ; que ce soit sur des passages en canon ou sur la partie haute du pont de Say It Ain’t So, excellemment interprété par le décidément talentueux multi-casquette, Harry FAUSING SMITH. Tous les musiciens participent aux choeurs, ce qui donnera une certaine résonance dans le théâtre. Le public saluera la performance en se levant.

Niveau set-list

Il est de mode de jouer son album le plus célèbre dans son intégralité à une date anniversaire. Ok c’est le jeu et ”j’accepterai” alors les deux titres plus dispensables de Say It Ain’t So : When I’m Yours et Silence Is A Strong Reply que seuls les anglicistes pourraient apprécier car l’accroche musicale se fait moindre ; Deux titres, certes agréables mais un peu convenus pour un tel artiste, alors qu’il a dans son catalogue d’autres belles chansons qu’on aimerait entendre. Du coup, jouer deux fois ”notre” hymne Say It Ain’t So, est-il si indispensable même si interprété de façon plus rock la seconde fois?

Certes, je fais là le fan pointilleux qui aimerait, passionnément mais égoïstement, imposer sa set-list. Mais c’est le jeu du report. Et quitte à faire hurler d’outrage l’ultime fan, je solliciterai aussi Madame Tolérance pour la seule chanson française du soir, l’hymne Le Sud, du regretté Nino FERRER, trop maintes fois entendue dans les bons pubs de troisième mi-temps, de karaoké ou d’émissions de télé-crochets, au point de m’en être lassé. Toutefois, vu le lieu, cette magnifique chanson se voulait indispensable ce soir, même si jouée en automne et non … en été. Mais à la place et vu le vent local, Dust In The Wind (KANSAS) ou Tournent Les Vents auraient été les bienvenus aussi car plus rares et tout aussi intenses, ou encore Latitudes Pour Lassitude dans le cadre de cette région aussi montagneuse ; et quitte à faire dans l’humour, enchainer à cause de ce vent avec une de mes préférées : Des Funambules. Je parie que ces équilibristes pêcheurs locaux parviendraient à faire du funambulisme avec ce Mistral?

Néanmoins, en sus des autres incontournables de l’album à l’honneur ce soir (She’s Such A Drag, Never Even Thought, …), on se délectera aussi dans la seconde partie du show avec le dansant Piece Of Mind, Joey’s On Fire qui met en avant ses aigus si particuliers, le baume au cœur Hold On, le léger No Mystery, le percutant You Are, … Il nous gratifiera aussi d’un inédit, Judge A Book, qui agrémentera encore ce long show si bon. Et du show, on en aura bien besoin avec ce froid glacial. (On applaudit le jeu de mot facile)

Malgré mes petites exigences futiles de set-list (et de goudron … sans plumes), décontraction, humour, swing, variétés vocales et instrumentales, salle magique, ville magnifique, désir fort de partage après deux ans de frustration sans concert… avec sa panoplie soul-blues-folk-gospel, tous les ingrédients étaient là pour ce retour à la vie ”normale”, à une soirée artistique, et y trouver à nouveau l’enchantement et la communion ! … Et comme le dirait cet artiste à la carrière si spéciale : ”Que ça fait du bien !”

Pas besoin d’avoir cent briques* pour offrir et partager un tel plaisir ! Depuis deux ans, on n’a peut-être plus rien*, mais on ne nous enlèvera pas ça ! Merci Monsieur HEAD et Messieurs-Dames les musiciens ! A quelques nuits de mon anniversaire, ce concert dans cette belle cité balnéaire, aura été un beau cadeau !

 

* Référence au film Pour Cent Briques, T’as plus Rien dont est tirée la chanson No Mystery.

Musiciens

chant, guitare – Murray HEAD

guitare lead, chant – Phil PALMER (Dire Straits, Tina Turner, Eric Clapton, George Mickael, …)

guitare, basse, violon, chant – Geoffrey RICHARDSON (Caravan, Renaud, Chris De Burgh, ..)

clavier, basse, chant – Jennifer MAIDMAN (Boy George, Sam Brown, Little Bob, …)

guitare, violon, saxophone, chant – Harry FAUSING SMITH ( Yan Tiersen, Rhodes, The Travelling Band, …)

batterie, chant – ALLY MCDOUGAL (George Clinton, Kaz Hawkins, Ben Poole, …).

Discussion de fans

”Je n’aimais pas ce qu’il faisait. Ce n’était pas ce que je voulais écouter étant plus jeune. Aujourd’hui, j’avoue que je viens le voir pour la nostalgie.” dira le premier fan d’un certain âge.

– Pas que je n’aimais pas car je ne connaissais pas vraiment (dira le second), et parce qu’aussi je voulais écouter autre chose mais je ne viens pas pour la nostalgie. Je suis vraiment passé à côté de sa carrière mis à part la surface de ses hits. Et je découvre réellement son répertoire et je dirais même, plutôt son expression. N’oublions pas que l’homme est aussi comédien. Et du coup, sa palette est plus riche qu’on ne le soupçonne. Et puis vocalement, il a ce truc ! Sa voix a une personnalité et m’a toujours interpellé gravant dans ma tête le post-it ”Faudra que j’écoute absolument ses disques un jour” ! Si des chanteurs à succès des années 60 aux années 80 seraient recalés à coups sûr à des émissions actuelles de télé-crochets, je suis convaincu que sa voix ferait parti des élus encore aujourd’hui.”

Epilogue

Restriction sanitaire oblige, il faut s’attendre à ce que les rencontres avec les artistes soient désormais exclus, surtout quand ceux-ci sont dans la catégorie d’âge à risques. Mais malgré le froid, la passion de certains se fera plus forte. Une file d’attente d’une dizaine d’irréductibles se formera à la sortie, espérant quelques autographes ; une attente encouragée par le personnel de la salle qui ira même organiser la rencontre en installant un ”mini-corridor”. Mais au bout de vingt-trente minutes, on nous informe que l’artiste serait déjà parti depuis longtemps, soulevant le courroux d’une fan envers une membre de l’organisation qui avait malgré elle, trompé son monde et qui aurait pu signifier qu’il était inutile d’attendre. La mauvaise foi et le manque d’empathie de chacun déclenchant un petite explication verbale, la fan lâchera à la jeune et jolie membre de la sécurité, un sanglant «Pourquoi nous avoir fait attendre pour rien dans ce froid alors que vous saviez qu’il n’était plus là? Vous croyez qu’on attend pour vous?» L’équipement ”policier” de la ”surveillante” réveilla en moi quelques vieux fantasmes de jeunesse menottés, ce qui me fit à mon tour lâcher un réflexe prétentieux vu le delta d’âge : «Heu! oui moi! Je veux bien l’attendre!». Une tentative d’humour pour casser le conflit et une espérance de vieux guerrier qui, hélas et évidemment, passeront inaperçues dans cette confusion ”testostéronique”. Malgré son réflexe défensif, la jeune fille finira par s’excuser, signe d’intelligence. Rare sont les gens capables de reconnaître leurs erreurs, à saluer donc! Ça y est! Je suis amoureux! Si Murray HEAD nous a replongé cinquante ans en arrière, pourquoi donc ne rajeunissons pas aussi en même temps, le temps d’une soirée? Cruelle vie! haha !

Une anecdote qui fera rappeler que les membres de la sécurité ne sont pas non plus au fait des décisions des artistes, si ces derniers veulent ou non improviser une rencontre et que certaines choses se décident au dernier moment. De plus, le personnel qui fait face au public, n’est pas forcément celui en contact immédiat avec le staff. Un personnel d’accueil qui aura fait son maximum : cette fan déçue se verra offrir tout de même l’affiche du concert.

Par ailleurs, le service de sécurité n’est plus aussi ”bourru” que celui des années 70-80. Il laissera un vieux fan se lever pour prendre des photos à plusieurs reprises, gênant le public et probablement les musiciens. Saluons le côté pédagogique du service d’ordre qui invitera gentiment ce vieil homme à regagner sa place. En d’autres temps, il se serait fait éjecter de la salle manu militari conformément aux restrictions. Comme quoi, les choses changent parfois en bien! Saluons aussi cette capacité à s’adapter. Et quelque part, si ce vieux monsieur fut parfois pénible, le côté amusant, voire touchant de son côté fan à son âge, contrebalancera. A défaut de dormir avec cette membre du staff, j’aurai passé la nuit avec Madame Tolérance. A chacun son lot de consolation! Misère! 🙂 … Mais quelle belle soirée! 🙂

PS : Toute chose ayant des qualités et défauts, je n’ai pas vu de photos officielles du concert. Suis donc navré de ne pas vous joindre ici des photos de qualités.

Le rapport avec la Deep Purple Family ?

Murray HEAD joue le rôle de Judas dans la comédie musicale Jesus Christ Superstar au côté de Ian GILLAN (Jesus)